Les Sept Couronnes connaissent depuis quelques années une période de paix générale et de prospérité telle qu’elles n’en ont pas connu depuis le règne de sa majesté Viserys, avant la Danse des Dragons, un demi siècle plus tôt : cela fait maintenant trois ans qu’aucune guerre ne s’est déroulée sur Westeros.
Le dernier grand conflit remonte à quatre ans, lorsque la duplicité de lady Mona Arryn, mère de lord Rupert, a été dévoilé. Le seigneur Edwyn Tully, après avoir enduré des accusations pendant des années de la part de son homologue du Val, prit les armes pour laver son honneur. Le Conflans, soutenu par les Terres de l’Orage et le Bief, disposait d’un avantage numérique important qui a compensé les positions défensives du Val. Le seigneur Aeron Dunnseern s’est illustré à la tête des armées alliées en menant une guerre propre, rapide et sans accroc. Lord Edwyn a retiré du conflit le contrôle de deux passes importantes - assurant son flanc Est pour l’avenir - des excuses de la maison Arryn et un jugement de la lady félonne.
Deux sources de tensions laissent encore planer l’idée de la guerre aux frontières des Terres de l’Ouest. La première trouve ses racines à Boisdoré, sur les terres de la maison Rowan, d’un conflit économique - lord Parmen et ses alliés essayant de détourner le commerce de la route de Montargent par le Bief - ayant conduit entre autre les maisons Ironfist, Lyberr, Rowan et Wythers à former une alliance militaire pour contrer le pacte défensif des maison Brax, Carmont, Lydden, Serrett et Yarwick.
Le deuxième conflit latent oppose les maisons Tarbeck et Vaenwood aux maisons Carmont et Lydden. Lord Merlon Lydden, après avoir succédé au seigneur Tarbeck au poste de grand argentier du royaume, a commencé avec lord Arnell Carmont une enquête sur les actions de ses prédécesseurs et d’éventuels liens avec des vieilles affaires de justice. Les seigneurs Harys Vaenwood et Addam Tarbeck, outragés que l’on remette en cause ainsi la respectabilité de lord Alaric Vypren - le grand-père de lady Daelyne Vaenwood - et de son allié lord Philip Tarbeck, ont exigé des excuses et des réparations pour l’insulte, ce à quoi lord Daven Lannister a répondu qu’il était encore trop tôt pour juger de la pertinence d’une enquête royale. Si le seigneur des Terres de l’Ouest n’a pas publiquement pris parti pour les maisons Carmont et Lydden, sa position face à la famille Tarbeck est assez claire.
Si l’ordre règne dans les royaumes il reste toujours des criminels et des félons pour perturber la paix du roi. Toutefois les efforts de lord Janos Grafton, qui a fait de la lutte contre la pègre une de ses priorités pendants des années, ont payé. Les rues de la capitale sont redevenue sûres, les pirates ont été repoussés vers Essos et, si l’on exclut une demie douzaine d’affaires, l’on ne déplore presque plus que des affaires de trafic.
Le mystère de la mort de ser Philip Piper de Château-Rosière, s’il est officiellement résolu, continue d’intriguer car pour beaucoup l’aveu incomplet du meurtrier cache une vérité plus complexe. L’assistant du maître des lois, lord Arnell Carmont, continue d’enquêter pour éclaircir la mort corollaire de son beau-père, le légat royal ser Cleos Reyne, assassiné il y a quelques années alors qu’il remontait des pistes sur cette affaire. Parmi les noms qui reviennent souvent dans les discussions sur le sujet se trouve celui de dame Emma Roxton, cousine de lord Lewys Piper de la Boucle, qui s’est volatilisée en l’an 167 avant d’avoir pu être interrogée par le seigneur Carmont.
Dans les affaires plus récentes, l’héritier du Conflans, ser Marq, a été visé par un assassin au sortir de la guerre contre la maison Arryn. La maison Tully s’est créée beaucoup d’ennemis récemment avec ses positions et ses oppositions politiques, cependant ni le père ni le fils n’a émis d’hypothèse en public sur le commanditaire de cet acte. Les théories les plus folles circulent sur la question.
Dans les Terres de l’Orage la justice royale a finalement laissé au seigneur Aedric Baratheon le soin de juger si messire Harbert Bracken, qu’il protégeait jusque là des accusations formulées par dame Amelia Deddings, agente du maître des navires, était coupable d’avoir participé à la disparition de la soeur de lord Janos Grafton, dame Alyssa Martell, et de ses neveux. Le choix du seigneur de Goëville de ne pas s’impliquer dans cette affaire a surpris et créé des réactions très variées : certains louent son intégrité, regardant son geste comme un choix moral, d’autres y voient quelque chose de plus honteux, comme un chantage. Messire Harbert fut acquitté ; cependant sa mère, lady Vera, qui s’était rendue à Accalmie pour soutenir son fils, fut assassinée. Son meurtrier n’a pas été identifié.
La question très politique des limites du pouvoir juridique de la Foi des Sept a été relancée par les seigneurs Carmont et Grafton ce qui a fait l’objet de débats houleux qui se sont conclus par les décisions suivantes :
Après douze ans de chantiers et d’épreuves le grand canal de la maison Piper de la Boucle est enfin achevé. Messire Edwynn Piper et sa bru, lady Aemysia, ont organisé pour l’inauguration des festivités tout à fait charmantes, permettant de profiter de la fraîcheur des eaux en cette saison chaude. Voisins et amis de la famille ont ainsi pu constater que si la maison Piper est bénie par la Jouvencelle elle a aussi la faveur du Ferrant. Rapidement des barges pleines de promesses se sont mises à circuler et peu à peu l’argent avec elles. Cependant, après un peu moins de trois ans d’exploitation un incident est survenu dans la structure du canal au niveau de leurs terres, déversant les eaux de la Néra dans les plaines du Bief. En attendant que les travaux reprennent le bourbier s’est transformé en un vaste marais.
Un peu plus au Nord, le seigneur Lyman Lothston complète la rénovation de Harrenhal, après vingt ans comme il l’avait annoncé au roi Aegon III lorsque ce dernier lui avait confié l'immense forteresse. Lors de la réception donnée pour l’occasion une bonne partie de la cour royale s’est déplacée pour voir les merveilles réalisées par le maître d’oeuvre du projet, mestre Tregar. Le vieux seigneur en a profité pour se rappeler à ses amis et s’afficher comme une des pierres angulaires de l’alliance entre le Bief et le Conflans. Comme pour confirmer ses propos et en écho de la guerre qui s’était déroulée contre le Val, Baratheon, Tully et Tyrell se sont retrouvés à l’événement.
A Port-Réal les travaux du grand septuaire de sa majesté Baelor avancent bien. Suivant les instructions de la Haute Septa, messire Renly Oldmill continue d’élever ce monument à la gloire des Sept. Peu à peu sont dévoilées sept splendides statues, sept chapelles glorifiants chacune des faces du dieu au travers des savoirs faires des hommes qui les vénèrent, des jardins aux senteurs exotiques… De multiples dons sont faits pour soutenir ce grand projet ; le plus notable d’entre eux est peut-être la grande rosace, érigée par les artisans de lady Serra Baratheon, qui illumine de l’ensemble des couleurs du spectre chromatique le choeur principal. Ce chef d’oeuvre d’architecture et d’artisanat devrait encore prendre quelques années avant de pouvoir être consacré.
A l’initiative de messire Edwynn Piper de la Boucle la maison Tyrell a financé la création d’un grand palais pour accueillir les seigneurs du Bief à la capitale. Trois anciennes demeures avec vue sur le Donjon Rouge, une fois restaurées, ont servi de base à ce projet, définissant les trois ailes principales du palais. Des jardins ont été ajoutés en détruisant quelques vieilles bâtisses autour, fournissant un havre de tranquillité au milieu même de la capitale. Dès qu’il a été habitable, dame Lena Piper a pris possession du lieu et en assure la bonne tenue, occasionnellement aidée par sa bru, lady Aemysia. Outre la quiétude du lieu, les nobles du Bief qui vivent à la cour peuvent profiter de la venue d’artistes et d'artisans prestigieux. Les maîtres vitraillistes d’Accalmie furent même hébergés à titre gracieux pendant qu’ils travaillaient sur la rosace du grand septuaire de sa majesté Baelor. Dame Lena Piper semble profiter du déclin de Rougesrives pour se construire sa réputation de mécène.
Ce long et doux été est une période propice aux alliances et plusieurs unions prestigieuses ont été célébrées dans les royaumes.
Le plus faste d’entre eux a été celui de messire Devin Stark, dernier fils de lord Errick, et de la princesse Daena Targaryen, peu après la libération des soeurs de sa majesté Baelor du Donjon Rouge. Ce mariage, longtemps repoussé, a été célébré devant les anciens et les nouveaux dieux à Port-Réal. Les réjouissances, aux frais exclusifs de la la Couronne, ont duré sept jours durant lesquels de nombreux gestes d’apaisement ont été fait envers les seigneurs majeurs, tous invités d’honneur avec leurs familles. Les discours et les débats ont été tournés vers l’avenir, la cohésion des royaumes et la paix. Seul le roi ne sembla pas partager l'allégresse générale, se contentant d'assister aux cérémonies.
La famille Stark a célébré un second mariage, à Winterfell cette fois, entre dame Aranna, la fille aînée de l’héritier, et ser Quentyn Ladybright, cadet de lord Ryam et lady Belladora. La maison dornienne s’associe une nouvelle fois à une maison majeure par cette union, assurant par ce nouveau soutien ses prétentions pour un poste au conseil restreint.
Deux ans après ses fiançailles messire Bertram Tyrell, l’héritier du Bief, s’est uni à dame Catelyn Tully, fille aînée de ser Marq. Ce mariage scelle l’alliance qui a déjà porté ses fruits durant la guerre contre la maison Arryn. Le jeune couple vient s’installer à Port-Réal, dans le palais du Bief, et provoque l’admiration de la cour malgré le jeune âge de messire Bertram qui n’a alors que treize ans. Après la naissance d’une fille, nommée Celyse en hommage à feu lady Celyse Crane, dame Catelyn retourne à Vivesaigues avec son enfant pour se reposer loin de l’agitation de la capitale.
Dans la Péninsule la peste de Goëville a presque disparu grâce aux efforts conjugués de la Citadelle et de la noblesse et bientôt elle ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Les autres blessures de la guerre civile, de la conquête et de l’occupation cicatrisent peu à peu, notamment par les actions du seigneur Harlan Tyrell qui continue régulièrement à se rendre à Dorne pour aider à la reconstruction et à la paix. Il est souvent accompagné de sa conseillère morale, sa sainteté Thybaldine, dont la sagesse est maintenant célèbre.
Quelques années après la chute de la maison Nymeros-Martell des chansons nostalgiques peuvent s’entendre sous les étoiles du ciel de Dorne ; elles parlent avec tristesse des princes qui ont tout donné pour leur pays et qui ont succombé à leurs choix malheureux et elles glorifient les héros tragiques de Dorne pour empêcher le peuple de les oublier. Des voyageurs racontent que, recluse dans sa tour qu’elle ne peut quitter, lady Tyanna Toland, la dernière des Martell, en entend les échos portés par le vent. Certains de ces chants peuvent aujourd’hui s’entendre à la Capitale, repris par les Rougesgorges qui en apprécient les mélodies.
Dans le reste des royaumes Dorne est toujours un sujet sensible, qui divise, notamment dans le Bief et dans les Terres de l’Orage. Parmi les plus véhéments contre les dorniens on retrouve le seigneur Parmen Rowan, lady Serra Baratheon, les maisons Lyberr, Tarly, Peake, Lonmouth… Malgré tout, cinq figures prestigieuses de la Péninsule remportent une adhésion presque totale dans les royaumes : les époux Ladybright, raffinés, diplomates et impliqués ; ser Meryn Santagar, le champion de la Haute Septa, valeureux et dévoué ; lady Arianne Dayne, doyenne des seigneurs de Dorne, qui dirige depuis plus de quarante ans l’une des maisons les plus prestigieuses de tout Westeros ; ser Lewyn Dayne, dit l’Epée du Matin, fils de lady Arianne, l’un des plus vertueux et des plus compétents représentant de la chevalerie andale.
La cour se rappelle encore des débats houleux et de certaines affaires de justice impliquant des artistes comme dame Lucia Lyberr ou messire Brynden Staunton, deux membres des Rougesgorges dont les prestations avaient failli leur coûter la vie. Lord Tytos Lannister, maître des lois du royaume à l’époque, avait créé un cadre légal pour limiter les punitions abusives contre les artistes, laissant ce pouvoir aux seuls seigneurs majeurs et à la couronne. Cette mesure avait été assez bien accueillie dans le royaume, aussi bien par les artistes que par les courtisans.
Ces dernières années, suite à un regain d’intérêt général pour la philosophie et la littérature, plusieurs auteurs se sont fait connaître pour leurs essais controversés, notamment par les institutions du royaume : la Citadelle s’est élevée contre des pensées qu’elle juge dangereuses ou fausses, la Foi a déclaré certains ouvrages comme immoraux ou hérétiques et le roi et son conseil restreint ont prononcé des mises à l’index pour les écrits les plus unanimement rejetés.
Quelques personnalités prestigieuses et honorables - telles lady Sybell Lannister, lord Leo Crane ou dame Lena Piper de la Boucle - se sont élevées contre cette censure et ce rejet des idées nouvelles. Encouragés par ces prises de positions des réseaux de diffusion du savoir se sont mis en place dans les Terres de l’Ouest et le nord du Bief pour échanger des écrits interdits.
Certains essais qui auraient pu passer inaperçus ont acquis une notoriété importante grâce à la censure ; ainsi le traité de mestre Jaerys, Principes de médecine à l’usage des profanes, est devenu célèbre pour sa défense du suicide, au point de valoir à son auteur le surnom de “pourvoyeur de mort” ; de même les Cinq discours sur le pouvoir de dame Ilyria Aqari, essai politique interdit avant même d’avoir été traduit, est devenu emblématique pour l’ensemble des critiques qui lui ont été faites qu’elles soient des différents courants de la Foi, du roi Baelor, de la Citadelle et même des philosophes essosis.