Depuis la libération des soeurs du roi, la cour de Port-Réal connaît une véritable renaissance ; la mode s’est colorée, la musique résonne dans les couloirs, les arts fleurissent ; tout y est à nouveau beau, chatoyant. Le roi Baelor est devenu très distant et n'apparaît plus que pour les cérémonies ou alors de manière impromptue, pour voir une personne ou faire une annonce.
Le principal sujet de la Couronne ces dernières années a été de réduire le fossé entre les seigneurs majeurs et la maison royale. Il fallait trouver l’équilibre entre les traditions andales de la féodalité et la nécessité de moderniser le royaume pour pouvoir l’administrer convenablement. Dans ce conflit politique beaucoup de maisons mineures - en général impliquées dans l’administration royale comme les Carmont, Lydden, Tumber, Wythers - se sont rangées derrière la Couronne, s’opposant à leurs suzerains et rétablissant un peu le rapport de force.
+p De nombreux gestes sont quand même faits par la Couronne, des décisions concrètes, des actes symboliques, des déclarations d’intention. On pourra mentionner le mariage de messire Devin Stark avec la princesse Daena, des réglementations légales garantissant le pouvoir seigneurial, notamment sur la justice et la guerre. La nomination de mestre Ariston au poste de grand mestre est souvent vu comme une concession du pouvoir royal ou une victoire de la faction Baratheon-Tully.Une des conséquences de cette politique a été la remise en cause de la personne ayant la charge de grand argentier du royaume. S’il avait fait un travail remarquable en terme de chiffres, lord Philip Tarbeck incarnait tout ce que les seigneurs majeurs reprochent à la Couronne : l’ingérence, le pragmatisme politique, la gestion opaque et le népotisme. Alors qu’il vacillait sur son poste deux candidats se sont rapidement distingués pour prendre sa suite : messire Merlon Lydden et lord Ryam Ladybright. Le candidat des Terres de l’Ouest connaît bien le poste, pour avoir servi la chancellerie sous deux grands argentiers différents et s’est fait remarquer par la maison Lannister pour sa gestion exemplaire à l’échelle locale de la crise du grain durant le dernier grand hiver. Au vue de la fulgurante ascension économique et politique de la maison Ladybright, le candidat dornien a un don évident pour ces affaires. Plutôt que de subir son origine il la revendique comme un atout : Dorne ne sera réellement intégrée dans les royaumes que lorsque la Couronne aura fait le choix de confier des responsabilités réelles à ses nouveaux vassaux. Les deux hommes obtiennent assez vite des soutiens abondants, excluant les autres prétendants au poste.
Tout bascule soudainement lorsque le maître des lois, le seigneur Tytos Lannister, met fin à ses jours après des années de langueur mélancolique. L’échiquier politique entre alors en effervescence. Pendant presque soixante jours des tractations ont lieu en continu. Ce ne sont pas que le poste de maître des lois qui vient de se libérer ou celui de grand argentier qui était déjà convoité qui semblent accessibles, mais c’est l’ensemble des charges qui sont remises en jeu. Les décisions finales sont prises à huis-clos par le roi, lord Janos Grafton, le prince Viserys et sa sainteté Lucerian. Il est décidé que :
Le seigneur Janos Grafton a repris en charge l’éducation de son altesse Daeron Targaryen avec l’accord de ses parents leurs altesses Aegon et Naerys. Le prince Aegon semble plus préoccupé par engendrer des nouveaux bâtards, comme cette charmante Rhaenys Rivers, que par s’occuper de ses enfants légitimes et sa soeur-épouse semble bien contente de le savoir ainsi éloigné de son fils. Il est de l’avis général que lord Grafton s’est résigné sur le mariage du roi et qu’il a reporté ses préoccupations dynastiques sur le reste de la famille. De la même façon il a commencé des tractations pour le mariage futur des deux dernières soeurs du roi, Rhaena et Elaena. Les rumeurs parlent de ser Tybor Lannister, du jeune messire Aethan Baratheon, de ser Bryan Tully et de son cadet Elston.
Il y a trois ans lady Aelyse Arryn, enceinte de son dernier passage au Val d’Arryn, est revenue d’Essos pour accoucher à Port-Réal, refusant de traverser une zone de guerre dans sa condition pour rejoindre son mari. Elle a mis au monde un fils héritier du nom de Gaherys qu’elle a confié à la garde de sa cousine la reine mère Alena avant de repartir à Pentos pour continuer à défendre ses idées et les intérêts de la Foi et du royaume. Si dans le Val lord Rupert et quelques uns de ses vassaux ont critiqué son choix, l’engagement de lady Aelyse a été salué par par beaucoup, y compris dame Serra Baratheon qui a apporté publiquement son soutien à l’épouse de son ennemi : en accomplissant la volonté supérieure des Sept plutôt que de défendre la cause injuste de son mari, lady Aelyse rassurait l’ensemble des royaumes sur l’avenir de cette prestigieuse maison que sont les Arryn.
Il y a quelques semaines le seigneur des Terres de l’Orage, lord Rhaegar Baratheon, est passé de vie à trépas. Il n’a survécu que deux ans à son propre père, mort au début de l’année 169, avant de succomber aux séquelles de sa maladie. Lady Serra Baratheon, nommée par son époux sur son lit de mort régente des Terres de l’Orage, s’est rendue à Port-Réal pour renouveler le serment de vassalité de la maison Baratheon au roi. Ce dernier est hélas reclus en prière dans une cellule du Donjon Rouge depuis plusieurs jours et ne reçoit personne. La main du roi, lord Ryam Ladybright, s’est proposé de prendre le serment au nom du roi mais lady Baratheon lui a répondu sèchement qu’elle préférait attendre que le roi soit disposé à la recevoir.
La cour est un ballet incessant de fêtes et de réceptions. Plusieurs cercles donnent vie à la cour de Port-Réal par des événements et des animations et en assurent le renouvellement culturel.
Le plus visible et le plus flamboyant de tous est sûrement celui de leurs altesses Aegon et Elaena auxquelles sont associés messire Corys Baratheon, le chambellan de la maison royale, et lord Aemor Velaryon. Appréciant la provocation et l’excès ce groupe fascine la plupart des courtisans et a provoqué la chute de plusieurs d’entre eux qui se sont ruinés à essayer de suivre leur train de vie ou qui ont attiré les foudres des puissants en essayant d’imiter leur style irrévérencieux. Parmi les papillons qui arrivent à survivre près des flammes on notera une partie des rougesgorges : lady Myrenda Lydden et son amie lady Allerie Ironfist, ainsi que lord Kyle Wythers même si plus rarement en raison de ses obligations diplomatiques.
Autre cercle, autre style ; lord Hector Stokeworth, le doyen des courtisans de Port-Réal, et ses deux amies les ladies Aemysia Piper de la Boucle et Kyella Carmont. Ces trois habitués de la cour organisent des événements moins superficiels et plus raffinés que leurs homologues princiers. Si, comme tout un chacun, ils savent savourer les scandales, ils sont bien plus critiques sur les attaques purement gratuites et sur les profondes erreurs de jugement. Ainsi, avec une attitude très adulte, ils se contentent de laisser couler le scandale qui éclabousse lord Arnell Carmont comme un simple effet de mode.
Il y a aussi le cercle de lecture de dame Bethany Tallwy, tout aussi apprécié que fermé, les jeunes femmes se pâment à l’idée d’en faire partie et les jeunes paons se fanent lorsqu’elles leur préfère un autre lecteur. Il y a des cercles de jeu d’argent, de jeu de carte et de jeu de cour ; celui de jeu de stratégie de lady Serra Baratheon est particulièrement réputé y compris parmi certains de ses adversaires politiques qui lui reconnaissent là une victoire mondaine.
Messire Harwyn Greyjoy, héritier des Îles de Fer, réside à la cour royale depuis près d’un an. Le Fer-né s’est étonnamment bien intégré parmi les courtisans et participe activement à l’ambiance de certaines soirées. Son franc-parler et sa promptitude à passer du duel verbal au duel armé est souvent vu comme rafraîchissant. Grand voyageur, il a des anecdotes fascinantes qu’il partage quand l’envie lui en prend.
La cour royale a toujours été très friande de musique et depuis quelques années un véritable engouement s’est emparé de la noblesse. Si, il n’y a encore pas si longtemps, la scène musicale de Port-Réal était dominée par les Rougegorges, aujourd’hui beaucoup se targuent d’une maîtrise instrumentale ou vocale et il n’est pas rare d’entendre un lord se mettre à chanter à l’improviste et une dame jouer du luth pour l’accompagner. Mestre Fall, autrefois au service de la maison Deddings, devenu assistant du grand mestre Ariston, fait profiter de son savoir musical à toute la cour qui s’en trouve à chaque fois ravie ; il dispose aussi d’une oreille absolue qui permet de trancher les débats sur qui de tel ou tel artiste est le plus juste, le plus compétent. Il est pourtant un mystère musical que même lui n’a pas résolu : qu’est il advenu de l’audacieux Brynden Staunton, ce Rougegorges qui avait eu le culot de chanter le géant crotté à Hautjardin ? Plus de dix ans s’étaient écoulés depuis la mort de lord Garth Tyrell, à croire que le seigneur du Bief avait réussi à lui faire la peau. Voulant satisfaire sa curiosité avant que l’âge ne l’emporte à son tour, lord Hector Stokeworth a promis une récompense de 500 dragons d’or à celui qui réussira à le retrouver.
Autrefois parmi les égéries de Port-Réal, lady Ellyn Vypren est moins présente à la cour depuis les tragiques événements de la Fermente qui ont condamné le nom de sa famille à la déchéance. À la capitale elle se fait la voix des anciennes traditions des premiers hommes et enseigne à qui le cherche les rites des anciens dieux. Elle voyage beaucoup, accompagné de ser Breon Feyrlin, l’ultime champion de sa vie tragique, lui aussi ayant été transformé par l’épreuve.
Si elle n’a aujourd’hui plus qu’un titre de courtoisie et nulle terre qu’elle puisse appeler sienne, elle conserve toujours son influence et sa noblesse à la cour. Il y a quelques mois le seigneur Compton Crabb l’a d’ailleurs appris à ses dépens ; il fanfaronnait à la cour avec un bon mot, particulièrement outrageux, qu’il avait trouvé sur la mort tragique de lord Tytos Lannister ; cela était particulièrement déplacé et lady Ellyn Vypren lui donna une leçon cuisante : il ne fallut qu’un regard échangé avec lord Hector Stokeworth pour qu’il la suive dans ce que la cour appelle encore en riant le dépeçage du petit crabe. Humilié, le seigneur fautif a quitté Port-Réal en larmes et personne ne l’a revu depuis.
“Chassez lady Ellyn par la fenêtre et elle reviendra par la grande porte” a commenté un courtisan admiratif de sa capacité à encore être chez elle partout où elle va malgré les épreuves qu’elle a subi.
Le seigneur Aeron Dunnseern, après avoir mené les troupes du Bief, du Conflans et des Terres de l’Orage dans une guerre victorieuse a décidé de se rendre dans le Nord pour prêter main forte à la garde de nuit. Sans intégrer l’ordre millénaire, il a prêté ses hommes et ses compétences pour mener des expéditions au delà du Mur contre les sauvageons et a donné du grain et des armes. L’affaire est singulière et soulève beaucoup de questions : le seigneur de Blancastel est il devenu fou ? a-t-il un objectif caché concernant le Nord ? peut-être veut-il tout simplement conquérir la langue de terre qui s’enfonce dans les glaces éternelles, dernière parcelle de Westeros qui n’est pas sous le contrôle de la Couronne ?
Pendant ce temps, bien plus au sud, une statue de lord Garth Tyrell a été érigée sur les terres de la maison Dunnseern. Cependant il semblerait que l’artiste ai choisi une représentation peu flatteuse voire scandaleuse de l’ancien seigneur du Bief. Lorsque la statue a été dévoilée, le sculpteur a été arrêté et son oeuvre détruite avant d’être condamné à mort. L’affaire, qui en a fait rire plus d’un même si personne ne s’est intéressé aux détails, est grave : le précédent maître des lois avait statué sur les condamnations des artistes pour des crimes de lèse-majesté et la mort ne peut être requise que par un seigneur majeur ou la maison royale. Reste à savoir qui a prononcé la sentence et quelles en seront les conséquences.