Cette année encore la Fête de la Truite de Rougesrives fut une réussite, arrivant comme un point d’orgue après les nombreuses célébrations qui avaient succédé à la guerre. La maison Vypren réussit une fois encore à éblouir lors de ces réjouissances ancestrales, montrant que ni les temps difficiles et ni de graves événements n’arrivaient à entraver sa splendeur.
Le seigneur Edwyn Tully fit comme à son habitude honneur à ses vassaux par sa présence, accompagné de quelques membres de sa cour et d’un de ses fils. Vivesaigues ne fut pas seule à répondre à l’appel de Rougesrives et Port-Réal envoya aussi son contingent de courtisans.
Amis et ennemis se retrouvèrent pour partager le pain et le sel lors du succulent banquet et quelques querelles furent dissipées par la chaleur du vin. Ensemble, les invités purent jouir d’une partie de chasse dans le sous-bois bordant le château, profiter des jeux et de la musique et participer au traditionnel bal masqué avant d’aller, pour les plus hardis, s’encanailler en ville.
Cette année les arts furent mis à l’honneur par lady Ellyn Vypren. Nombreux furent les talents bénis par l’Artisan ou inspirés par les anciens dieux à venir faire étal de leur savoir-faire ; peintres, tisserands, sculpteurs, souffleurs de verres, poètes, musiciens, orfèvres et bien d’autres. La maîtresse de céans décerna quelques prix et offrit aux meilleurs artistes une place à Rougesrives. Parmi les lauréats, Vermont Flowers, accompagnant la maison Piper de la Boucle, s'illustra par sa plume sûre et son verbe fleuri, faisant le ravissement de son seigneur.
Le généreux mécénat de lady Vypren inspira d’autres seigneurs et dames qui eurent à coeur de prendre sous leurs ailes certains des maîtres prometteurs.
Le bal, clou de la réception, fut ouvert par dame Ellyn Vypren au bras de Lenor Sand, un bâtard dornien qui s’était invité à la fête et qui avait remporté cet honneur grâce au concours de masque. Cela ne manqua pas de provoquer quelques éclats discrets de frustration, de dédain ou d’indignation qui furent tous ignorés.
Messire Darvon Falwell qui était venu avec les Rouges-Gorges eut quelques mots énervés avec dame Ellyn, une de ses proches mécènes, au sujet de son répertoire. L’incident retarda le bal mais n'inquiéta guère, le tempérament fier et dramatique de l’artiste étant aussi célèbre que son talent. A l’inverse le seigneur Brax prit avec humour et sans se départir de sa dignité la chanson de “L’âne et la carotte”, une comptine moqueuse sur sa famille, sachant la considérer pour ce qu’elle est.
Durant les festivités, d’autres invités se firent remarquer. Un jeune noble dornien, messire Vorian Uller, fit une entrée remarquée en se déclarant théâtralement otage de lord Lewys Piper de la Boucle. Plusieurs convives s’inquiétèrent plus tard lorsque ce dernier fut pris d’une crise du Haut Mal alors qu’il participait à un jeu innocent. Malgré ses tentatives par la suite de rassurer les témoins de la scène en déclarant que cela n’était rien et lui arrivait de temps à autres, certaines personnes décidèrent de maintenir une distance raisonnable avec ce curieux personnage.
Quelques convives, notamment messire Audrin Stark et lord Jorah Wayn profitèrent abondamment de la qualité des vins de lord Vypren, provoquant ici et là quelques scènes cocasses tandis que, non loin de là, la figure imposante et quelque peu inquiétante de ser Maegor Targaryen incitait à la sobriété.
Cependant toute lumière projette des ombres et plusieurs d’entre elles vinrent obscurcir la fête. Dès le banquet, quelques voix s’élevèrent en réponse à un placement à table ne tenant compte ni du rang ni du prestige des invités ; certains nobles fiers se sentirent insultés ou lésés malgré les explications de leurs hôtes sur les règles traditionnelles régissant l'évènement.
Quelques rancunes entre les convives créèrent un climat tendu par moment et quelques piques et mesquineries fusèrent. Outre messire Uller, plusieurs invités montrèrent des signes de fatigue et de maladie, certains s’excusèrent avant la fin des festivités. La soirée se termina avec quelques départs précipités et des disparitions tandis que ce que l’on prit d’abord pour un feu de joie en ville se révélait être l’incendie d’un grenier de grain.
La maison Vypren ne semblait pas épargnée ; le Grand Argentier affichait malgré toute sa prestance les marques de la vieillesse, probablement accélérée par sa charge au Conseil Restreint ; le teint pâle et le discours parfois confus, il semblait souffrant à l’image de Westeros. Les membres de la maisonnée, très affairés, se laissèrent plusieurs fois submerger par les complications de la journée, alourdies par quelques troubles internes.
Au delà des petits incidents rencontrés durant les réjouissances, un fait bien plus grave troubla l’événement. Profanant les rites de Rougesrives hérités des premiers hommes, un homme prit la place du Premier Cornu, figure anonyme représentant les anciens dieux lors de la Fête de la Truite et dont la désignation est tenue secrète par la tradition.
L’individu put tenir sa supercherie quelques temps par le mensonge, le meurtre et la torture et ce n’est que par chance, lorsqu’un membre de la maisonnée retrouva le corps sans vie d’un des anciens de la ville, que ce crime abject fut dévoilé. Cependant, malgré les efforts de la maison Vypren, l’imposteur réussit à s’enfuir.
L’identité et les motivations de l’homme restent obscures même si le nom de Bracken circule et qu’une affaire de vengeance semble probable.
Les difficultés du royaume, conséquences de la guerre et de la sécheresse, furent au coeur de nombreuses discussions. La coût de la conquête de Dorne continuait à augmenter, poussant les différentes familles à collaborer entre elles pour trouver des solutions.
Le nom de lord Garth Tyrell revint souvent, le scandale provoqué par son récent désaveux de son aîné soulevant des interrogations quant à sa capacité à gérer la péninsule de Dorne qui lui avait été confiée par la couronne. L’attitude du seigneur du Bief pendant la guerre avait déjà créé quelques tensions parmi ses vassaux, parfois peu désireux d’être associés à un homme utilisant des prisonniers comme projectiles pour ses catapultes.
Plusieurs invités, notamment ceux venus du Val d’Arryn, inquiétés par l’épidémie de Goëville, pressèrent les mestres et les seigneurs présents à exiger de la Citadelle des actions plus robustes pour gérer la maladie avant qu’elle ne se répande ou n’affecte les membres de leurs familles.
A l’initiative de messire Merlon Lydden, rebondissant sur les actions de la Compagnie du Chevron et de la famille du Grand Argentier, quelques nobles formèrent une coalition marchande pour lutter contre la famine et résoudre la crise du grain dans la région en important de grandes quantité de blé d’Essos. Outre un soutien officiel de la Couronne, cette action fut appuyée par plusieurs familles du nord du Bief, notamment la maison Crane et la maison Piper de la Boucle.
Peu après la Fête de la Truite, cet effort trouva un écho dans celui de lord Philip Tarbeck, qui eut une initiative assez similaire mais dirigée vers les grandes zones urbaines, Port-Réal et Port-Lannis en priorité. Le seigneur Tully salue ces actions tandis que la Couronne, bien que satisfaite enjoint, ses vassaux à ne pas limiter leurs actions à cet unique problème.